Les limitations de l’utilisation du microscope dans l’élaboration des connaissances scientifiques n’étaient pas d’ordres techniques mais intellectuelles

« Chapitre 1. Le terme virus et la constitution de la microbiologie du 16e siècle au 19e siècle
[…]
« Mais l’obstacle est peut être davantage conceptuel ou « philosophique » que technique : l’usage du microscope, comme le montre Ian Hacking en 1983, nécessite d’apprendre à voir avec cet instrument, c’est à dire de comprendre de quelle manière on agit sur les objets observés (Hacking 1989 [1983]). C’est à cette seule condition qu’il devient possible de « voir » avec un microscope. On ne voit pas à travers un microscope comme on voit à l’œil nu ou à travers une vitre transparente : pour que soit reconnue l’utilité des microscopes, il a donc d’abord fallu que soit acceptée l’idée que l’on peut voir autrement que par la vision naturelle. Philippe Hamou met en évidence une autre raison philosophique à l’origine de la forte méfiance envers les microscopes : avant de reconnaître la fiabilité des microscopes, il faut être d’accord sur leur utilité. Or les conceptions de la matière et de la nature inspirées des théories aristotéliciennes conduisaient à nier tout besoin de connaître les composants infiniment petits de la réalité : La dénonciation vigoureuse des doctrines atomistes par Aristote, et leur recouvrement subséquent par la conception aristotélicienne d’une matière fondamentalement continue et homogène, firent beaucoup pour accréditer l’idée qu’il n’y avait rien à gagner pour la connaissance physique des substances matérielles à considérer insensibles. (Hamou 2001, p. 104) la figure de leurs petites parties En d’autres termes, il ne serait pas intéressant de chercher à connaître ce qui est en dessous d’une certaine limite de taille – limite qu’Aristote place à l’acare. Si les microscopes entraînent méfiance et rejet, ce n’est donc pas uniquement en raison de leurs imperfections techniques : de véritables résistances intellectuelles doivent encore être surmontées pour que la valeur de l’instrument puisse être largement reconnue. »

Source :
Extrait de la page 58 de cette thèse de 844 pages pour l’obtention d’un doctorat en philosophie sur la place des virus dans le monde du vivant : 
https://www.theses.fr/2018PA01H225.pdf


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